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Que se passerait-il si chaque citoyen, au lieu d’être forcé à payer l’impôt pour financer l’État, était libre de verser la contribution de son choix ? Le don volontaire remplacerait alors le prélèvement obligatoire. Tel est le renversement mental que Peter Sloterdijk propose dans cet ouvrage. Repenser l’impôt ne se présente pas comme un essai classique : il se compose d’un avant-propos général et d’une série d’entretiens publiés dans différents titres de presse. Le philosophe allemand y prend position face à l’actualité. Tous ces entretiens ont paru dans la foulée de la crise financière de 2008 et montrent une tentative de comprendre les bouleversements économiques et politiques alors à l’œuvre. Plus de dix ans après sa publication en allemand, ce recueil de textes n’a rien perdu de sa vigueur et de sa radicalité. L’auteur, qui assume son héritage intellectuel social-démocrate, invite à repenser les fondements de notre modèle social.
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Marc-Antoine Authier
Avec Repenser l’impôt, Peter Sloterdijk avance une thèse radicale : dans une société démocratique, les impôts provenant des prélèvements obligatoires devraient être transformés en dons financiers volontaires à la collectivité, dont les montants pourraient être progressifs relativement à la richesse des contribuables. Cette thèse va à contre-courant de la tendance que suivent les États fiscaux dans le monde développé, où ils interviennent dans tous les aspects de nos vies, au point de susciter la résignation des citoyens. Tous les prétextes semblent bons pour justifier de nouvelles interventions, et donc de nouveaux impôts. Il ne s’agit pas pour l’auteur de nier que l’État a besoin d’un trésor pour fonctionner, mais de constater que ce trésor n’a jamais cessé de croître. L’État prend parce qu’il doit exister et parce qu’il cherche à croître. Divers systèmes de justifications permettent d’expliquer cette tendance de fond. Le premier renvoie à la tradition du pillage, auquel la puissance publique s’est longtemps adonnée. Naturellement, cette pratique ne s’avère populaire que lorsque les pillages s’exercent au-delà des frontières nationales ; or un État démocratique ne peut pas piller à l’extérieur, et doit donc prélever ses propres citoyens jusqu’au maximum supportable par eux. Le deuxième système de justifications renvoie à la tradition autoritaire des impôts, perçus comme une marque de la domination d’un souverain sur une population donnée. Le troisième relève d’une logique de « contre-expropriation » : née au sein de la gauche contestataire, voire révolutionnaire, la contre-expropriation vise à prélever les richesses des propriétaires dont on considère qu’ils ont eux-mêmes exproprié de leur travail les prolétaires – interrogeant ainsi les fondements de la propriété en tant que telle. Ces trois systèmes de justification donnent à corps à la tutelle paternaliste de la puissance publique. Un quatrième système de justification résiste pourtant à cette logique de mise sous tutelle. Aux yeux de l’auteur, seul un système de justification reposant sur la philanthropie s’avère aujourd’hui pertinent pour redynamiser notre démocratie. Il s’agit de permettre aux individus d’investir les excédents de leurs revenus dans les causes publiques de choix et dans la mesure qui leur paraît juste. La liberté remplacerait alors la contrainte. Ce renversement insufflerait une transformation psychopolitique radicale, dans laquelle le donneur redeviendrait donateur et choisirait de s’investir dans telle ou telle cause qu’il affectionne. Plus fondamentalement, nos démocraties renoueraient ainsi avec une véritable éthique de la générosité.
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