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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

The Power of benevolence

de Patrick Mercier

récension rédigée parCatherine Lomenech

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Rien ne garantit plus la pérennité d’une enseigne. Même les grandes marques sont fragilisées. Multiplication des crises sociales et économiques, défiance de la part des consommateurs, quand il ne s’agit pas de bashing sur les réseaux sociaux, les marques sont perpétuellement menacées. De nouveaux défis se présentent, urgence climatique et écologique, et les enseignes doivent accepter de se transformer. La benevolence est une solution possible qui propose de remettre du sens et des valeurs là où certaines déviances mercantiles choquent des consommateurs devenus plus responsables.

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1. Introduction

Les entreprises sont au premier rang de nos sociétés et au centre de notre vie quotidienne. Nous faisons appel à elles pour nos besoins essentiels, pour nous équiper, pour nos loisirs ou pour répondre à nos envies. Alors, quand le monde fait face à une succession de crises économiques, sociales, écologiques et sanitaires, les enseignes sont en première ligne.

Fortement remises en cause dans ce contexte bousculé, elles doivent aussi affronter la défiance. Elles n’ont alors plus d’autre choix que de justifier leur raison d’être, de prouver leur utilité, de démontrer ce qu’elles peuvent apporter aux gens. Si elles ne le font pas, elles risquent tout simplement de disparaître.

De toute façon, elles vont devoir oublier la croissance permanente et inventer d’autres critères d’évaluation de leur développement. Il faudra tenir compte des critères qualitatifs : la capacité à embaucher, l’action pour l’environnement, etc. La « benevolence » peut leur permettre d’opérer cette mutation. Pourquoi utiliser ce mot anglais au lieu de son équivalent français « bienveillance » ? Parce que les enseignes doivent pouvoir pratiquer une forme de bienveillance particulière : une bienveillance professionnelle.

En devenant benevolente, une entreprise redonne de la cohérence à sa relation avec ses clients ; elle se remet en phase avec leur nouvelle façon de consommer ; elle assume ses responsabilités envers la société, envers la nature et le développement durable, et elle donne du sens à son métier. Qu’est-ce que la benevolence ? Toutes les entreprises peuvent-elles devenir benevolentes ? Comment rendre son entreprise benevolente ? Est-ce que cela est économiquement justifié ? Est-ce que cela rapporte ? Patrick Mercier répond à ces questions et propose une méthode pour aider les entreprises à devenir benevolentes.

2. Qu’est-ce que la benevolence ?

La benevolence est « la capacité des marques à être utiles et responsables dans le quotidien des gens » (p.30). C’est le socle sur lequel repose tout le travail d’accompagnement que les équipes de Patrick Mercier accomplissent auprès des marques. Pourquoi ce mot anglais ? Parce que « bienveillance » est très galvaudé, et souvent mal utilisé. Parce que la bienveillance s’applique à un comportement humain et ne doit pas devenir un outil de marketing ou une méthode de management. Il faut lui donner une acception différente pour son utilisation dans le cadre de l’entreprise.

D’ailleurs, dans ce contexte, l’auteur précise que benevolent est utilisé sans accent comme son équivalent anglais, mais qu’il a été décidé de pouvoir le décliner. Il souligne avoir eu, à cet égard, la même logique que Jean-Marie Dru avec le mot disruption par rapport à rupture : employer un autre mot pour un contexte spécifique, afin que le terme porte son application technique.

Car au-delà de la bienveillance telle qu’on l’entend dans son sens appliqué à l’être humain, l’idée de l’intention, well meaning, « bien intentionné », est importante. C’est une nuance de poids : il faut qu’il y ait une véritable intention. Il ne s’agit pas de communiquer sur des bonnes résolutions pour faire de l’image ; la benevolence ne peut pas être un argument de vente. Le principe est d’agir avec sincérité, responsabilité et transparence. Il s’agit plus de faire et d’être que de dire et de paraître.

Cela ne doit pas se traduire par la réalisation d’une nouvelle campagne publicitaire qui servirait de vernis. Les consommateurs ne sont plus dupes des ficelles de la communication. La majorité d’entre eux veulent des marques réellement engagées dans ce qu’elles font. Ils veulent être reconnus et respectés en tant qu’utilisateurs ou clients. Mais ils demandent aussi plus de respect de l’environnement, que la marque ait du sens, qu’elle incarne une histoire humaine. Ils ont tendance à rejeter les entreprises qui ne raisonnent qu’en termes de chiffres de vente de service ou de produits. L’entreprise doit avoir un positionnement juste dans la société, elle doit bien se comporter avec ses salariés, être transparente avec ses clients et respecter l’environnement.

3. Première étape : évaluer son entreprise, faire un état de la situation

C’est le point de départ de toute réflexion : se situer par rapport à sa problématique. Pour évaluer plus facilement la position de l’entreprise et parvenir à un diagnostic juste et précis, Change, avec l’aide de la société d’études BVA, a mis en place un sondage basé sur deux questions posées à 5 000 personnes à chaque nouvelle session. Elles concernent la perception qu’elles ont de l’utilité et de la responsabilité des marques.

Première question : « Diriez-vous qu’à travers son offre, ses prix, ses actions, la marque agit concrètement pour améliorer votre vie ou la vie de ses clients ? » Seconde question : « Diriez-vous que l’entreprise qui développe la marque est directement impliquée dans des projets en faveur de l’environnement, de ses salariés et des citoyens ? » (p.107) Il en ressort quatre catégories de comportement.

Les réfractaires : ces marques ont pu se contenter de limiter leur relation client à leur strict business sans se soucier de benevolence. Leur domaine d’activité est peut-être un obstacle à toute amélioration de ce type. Ou alors leur communication nuit à la perception que l’on a d’elles malgré des actions positives.

Les hésitantes : ces entreprises veulent bien faire mais personne ne le perçoit, elles n’incarnent pas clairement ce qu’elles défendent. Cela peut venir d’un projet peu ou mal défini ou exprimé.

Les favorables : elles ont déjà entrepris une action responsable et engagée. Mais elle n’est pas encore assez perçue même si elles sont en bonne voie.

Les benevolentes : le public est déjà convaincu de leur utilité et de leur responsabilité. Très souvent la benevolence est naturellement au cœur de leur métier. C’est même parfois la raison de leur création. Par exemple C’est qui le patron ?! est une marque d’un nouveau genre : une marque de consommateurs. Ce sont eux qui créent le cahier des charges d’un produit équitable qu’ils souhaitent trouver sur le marché, en respect du développement durable. Ensuite ils engagent un partenariat avec des structures chargées de le fabriquer de sorte qu’il soit vendu au juste prix, sans publicité et avec une traçabilité absolue.

Il faut du temps pour qu’une marque soit perçue comme benevolente, et cette qualification est d’autant plus fragile que les consommateurs sont volatiles. Sur les réseaux sociaux ils peuvent faire ou défaire une marque en très peu de temps, ce qui rend toute réputation très fragile.

4. Un état d’esprit qui nécessite une certaine prédisposition

C’est comme dans la relation humaine : tout le monde n’a pas la même capacité à être gentil et vraiment empathique. C’est un domaine dans lequel il est impossible de tricher. La benevolence est une démarche courageuse, humble et surtout sincère. Si c’est seulement de la communication politiquement correcte, ça ne marchera pas. Complaisance et cynisme n’ont rien à voir avec cette démarche.

Personne ne sera dupe. Faire montre de « bons sentiments » peut parfois être pire, dans ce cas, que de rester soi-même. La démarche benevolente repose sur une véritable disposition à vouloir le bien de l’autre, avec la conscience des réalités de notre société. C’est-à-dire en sachant tenir compte des inégalités économiques et sociales, de la priorité environnementale, de l’urgence climatique.

L’entreprise doit vraiment s’engager avec générosité et intégrité. Il faut qu’elle cherche à définir le sens de ce qu’elle fait et comment elle se positionne au cœur de la société et du collectif. Les nouvelles générations de consommateurs ne se contentent plus d’acheter les produits d’une marque, ils veulent que cette marque joue un rôle positif et actif dans leur vie. Ils sont prêts à consommer mais veulent connaître l’impact de ce qu’ils achètent sur l’environnement. Ils ont envie de connaître les engagements et les postures des marques, sans quoi ils ne continueront pas à acheter leurs produits.

C’est ce qu’a compris, par exemple, Loom, « Moins mais mieux » : marque française de textiles pour hommes, elle recommande d’acheter moins souvent mais de manière plus responsable des vêtements de qualité qui se déformeront moins vite. Ou encore Veja, qui fabrique des baskets écologiques dont les matières premières sont issues de l’agriculture biologique sans produits chimiques en respectant les conditions de travail de ceux qui les fabriquent, et le tout sans dépenses marketing.

La plupart des acheteurs choisissent des marques qui vont dans le sens de leurs valeurs personnelles. Ils ont envie de consommer mais ils sont de plus en plus nombreux à veiller à ce qu’une part de leurs achats soient responsables. Ils désirent consommer « intelligent », ils ne sont plus dans la démarche d’acheter pour acheter mais dans une envie de donner du sens à leurs actes d’achat dans une idée citoyenne.

5. Définir des valeurs et les prouver

Volvo, par exemple, se veut à la pointe de la sécurité routière. Pour preuve, la marque propose un produit réfléchissant à mettre sur les vélos pour les faire briller dans la nuit. Ils ont également ouvert à l’ensemble de l’industrie automobile, l’accès à leurs données de recherche en sécurité routière, notamment pour rétablir une égalité des risques hommes/femmes.

En effet, les constructeurs se basent encore sur les crash-tests effectués à partir de mannequins à la morphologie masculine. Les femmes sont donc plus exposées aux risques de blessures en cas d’accidents. En ouvrant l’accès à toutes les analyses qu’ils ont effectuées depuis les années 1970 sur ce qui se passe réellement lors d’une collision, ils mettent en application la valeur qu’ils défendent : rendre les véhicules de plus en plus sûrs pour améliorer la sécurité routière. Leur communication est fondée, ils sont crédibles, leur démarche a du sens, elle est utile et responsable : elle est benevolente.

À une échelle plus modeste que les grands groupes, Christina Boixière, globe-trotteuse rompue à la connaissance des dangers et des nombreux risques qu’il y a, pour les femmes, à voyager toutes seules, a lancé une plateforme qui leur est réservée, La Voyageuse. Le but : proposer aux femmes qui voyagent en solitaire des hébergements de confiance afin de garantir leur sécurité.

Les consommateurs ne sont pas les seuls à vouloir connaître la raison d’être de la marque à laquelle ils vont s’adresser. La loi Pacte de 2019 comporte un volet dédié au concept de « société à mission ». Quand une entreprise réalise un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux, elle peut se proclamer société à mission, qualité qui apparaît au registre du commerce. Ce n’est pas un statut mais une qualité déclarée et reconnue, en principe contrôlable par un organisme indépendant.

D’où l’importance, pour être crédible, de ne pas se contenter d’annoncer un projet ou une valeur forte. Cela doit être vérifiable, sans quoi le résultat risque d’être pire que l’absence d’initiative.

La benevolence propose une sorte de disruption « humaine », alors que la plupart des disruptions ont, pour le moment, plutôt été digitales. Or tout ce qui touche au domaine de la sensibilité humaine ou de l’émotion est fragile et peut vite coûter cher si l’entreprise perd la confiance des consommateurs. Attention à ne pas se lancer dans des promesses intenables. Il est important de vraiment faire ce que l’on a annoncé.

6. Communiquer différemment et redéfinir l’expérience client

La publicité ne fait plus rêver les consommateurs qui la rejettent si elle ne porte aucun message. Fini les campagnes faites à la va-vite pour cause de productivité ; il faudra définir une communication plus fine, plus utile et plus respectueuse. À ce titre, le Black Friday n’a plus aucun sens, comme d’ailleurs toute la communication autour des promotions. Il est plus que temps d’éduquer la population sur les pièges et les faux-semblants du hard discount.

Une communication benevolente doit valoriser ce que l’on fait sans ego et sans narcissisme. Très en avance sur ce concept, Total, dès les années 1990, s’était démarqué avec son slogan « Vous ne viendrez plus jamais chez nous par hasard ». Le message mettait en avant les éléments importants pour le consommateur : des gants près des pompes pour ne pas se salir les mains en se servant en essence, et la garantie de trouver du papier-toilette dans toutes les toilettes des stations-service de la marque. Un message résolument tourné vers ce qui est indispensable pour le client.

Plus récemment, plutôt que de proposer une annonce publicitaire classique pour Gîtes de France, qui souhaitait affirmer sa différence face à Airbnb, l’idée a été de proposer à chacun des 42 000 gîtes de se filmer, de faire des photos, de présenter sa particularité, etc. Là encore, le message veut montrer la réalité des gîtes et la diversité des propositions.

D’autre part, il est nécessaire de revoir aussi le design et le packaging car c’est ce que les clients connaissent souvent le mieux d’un produit. La marque Cristaline y a pensé en équipant ses bouteilles d’un bouchon écoresponsable qui y est accroché pour ne pas tomber et se perdre dans la nature, afin de ne pas être avalé par les oiseaux marins qui avalent quantités de bouchons de plastiques qu’ils confondent avec de la nourriture. En Italie, Leroy Merlin a mis en place 2 500 ateliers « do it yourself » en magasin destinés à ceux qui veulent apprendre à bricoler ou élargir leurs compétences.

Depuis 2018, tout ce que les participants fabriquent est conservé pour être offert à ceux qui en ont besoin. Les clients sont ainsi devenus des bénévoles occasionnels. L’idée a permis de réduire le gaspillage de matériaux, de rendre les clients heureux d’être utiles. Il ne faut jamais oublier de se mettre à la place du client, qui attend souvent quelque chose de très simple, de basique mais surtout utile.

7. Conclusion

Sans attendre ni les publicitaires, ni les marques, de nombreux citoyens ont fait preuve d’une créativité remarquable et de beaucoup de pertinence pour développer des services utiles pour les uns et pour les autres pendant le confinement dû à la crise de la Covid-19.

En prenant la voie de la benevolence, les marques peuvent rejoindre cette façon d’appréhender le changement et de contribuer à améliorer la vie des gens. Le pouvoir d’influence des entreprises sur la société est immense, c’est à elles d’initier une nouvelle dynamique qui pourra permettre d’apporter bien des réponses aux problématiques écologiques et humaines de nos sociétés modernes.

8. Zone critique

Le message de ce livre est clair : le bon sens pourrait fait son grand retour. Il est agréable et rassurant de voir qu’une conscience s’est éveillée dans le monde du marketing. Le bémol, c’est que l’auteur, nourri à la culture de la communication, a très (trop ?) brillamment formaté le concept de la benevolence, et surtout le marketing qui l’accompagne.

C’est peut-être de cela que les « gens » ne veulent plus : des formats et des process trop parfaits et trop bien maîtrisés. Ils espèrent peut-être plus de fraicheur et de sincérité dans leurs échanges avec les marques, quitte à trouver moins de professionnalisme dans la communication…

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Patrick Mercier, The Power of benevolence, Paris, Éditions LPM, 2020.

Du même auteur – Patrick Mercier, La Stratégie du courage. Quand le courage fait vendre, Paris, Eyrolles, 2009.

Autres pistes– Isaac Getz et Brian Mc Carney, Liberté & Cie. Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Paris, Flammarion, coll. « Clé des Champs », 2016.– Jacques Lecomte, Les Entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde, Paris, Les Arènes, 2016.

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