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Très marqué par la philosophie française du XXe siècle, Jonathan Crary nous livre ici une critique approfondie de la société moderne sous l’angle novateur de la destruction du sommeil. Il en explore les raisons – savoir le besoin du capitalisme de coloniser toujours de nouveaux pans de l’existence humaine –, les modalités technologiques, les implications éthiques, anthropologiques et historiques. Mais il garde une espérance, celle que le rêve, assiégé de partout, mais indestructible, dynamite enfin le réalisme déréalisant de la technologie.
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Armand Grabois
D’aucuns pourraient penser que le sommeil est un invariant humain qu’il ne conviendrait même pas de questionner. Certes, tout homme a toujours eu besoin de dormir, mais les conditions historiques du sommeil, sa compréhension, la valeur qu’on lui accorde, la place qu’on lui octroie ont considérablement varié au cours des siècles, singulièrement au cours des temps modernes. Indissociable du développement du capitalisme, l’éradication du sommeil est une caractéristique constante des sociétés modernes, qui ne le comprennent plus que comme un temps de régénération de l’homme-machine. Commencée dès le temps des premières filatures industrielles anglaises, cette lutte contre la nuit atteint aujourd’hui, c’est-à-dire depuis que la chute de l’URSS a ouvert la voie à la mondialisation néolibérale, une ampleur inouïe. Elle va de pair avec la généralisation des écrans et, en général, des appareils et des techniques dont le fonctionnement est permanent, ce qu’indique bien l’expression « vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept » (ou 24/7). Ces appareils, présentés comme autant de progrès, sont, en réalité, les instruments de la soumission des rythmes humains à la cadence de la machine. Ils produisent l’accélération de tout, l’immédiateté, la mise à disposition permanente ; et détruisent l’attente, la réflexion, l’absence, le repos, pour finir le sommeil, que l’on en vient à devoir acheter sous la forme de pilules.
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