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La séquence qu’Eric J. Hobsbawm décide d’étudier dans L’Ère des révolutions n’est pas seulement riche en événements révolutionnaires : elle est aussi et surtout marquée par le puissant processus de la « double révolution », concept recoupant les effets de la Révolution politique française et de la révolution industrielle britannique. Ce premier tome d'une trilogie exemplaire propose une analyse approfondie des origines et des dynamiques des révolutions politiques et sociales qui ont secoué l'Europe. Selon E. J. Hobsbawm, cette double révolution a trois conséquences majeures : l’apparition conjointe du capitalisme industriel et d’une société bourgeoise s’appuyant sur les classes moyennes, la conquête du monde, l’émergence du socialisme et du communisme enfin.
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Bastien Cabot
Avec L’Ère des révolutions, Eric J. Hobsbawm introduit une idée centrale dans l’historiographie contemporaine, celle d’un « long XIXe siècle » allant de la Révolution française à la Première Guerre mondiale. Or, cet intérêt pour le long terme n’est pas étranger au contexte de parution de l’ouvrage. En effet, le lendemain de la Seconde Guerre mondiale est marqué par le rayonnement européen de l’école française des Annales (fondée en 1929), et notamment de ce que l’on a appelé la « seconde génération ». Celle-ci gravite essentiellement autour de Fernand Braudel, auteur de La Méditerranée et le monde méditerranée à l’époque de Philippe II (1949), et fondateur de la VIe section de l’École Pratique des Hautes Études en 1947, dédiée aux sciences économiques et sociales. Entouré d’historiens prestigieux tels qu’Ernest Labrousse ou Georges Duby, l’école « braudélienne » des Annales témoigne alors d’un intérêt fort pour le temps long, la méthode quantitative, l’étude des structures économiques et sociales enfin. Ce parti pris révèle ainsi une mise à distance de l’ancienne histoire « événementielle », mais aussi l’influence du matérialisme dialectique (et, plus généralement, du marxisme) au sein des historiens d’après-guerre. Cette méthodologie est très clairement perceptible dans la construction de l’ouvrage d’Eric J. Hobsbawm. En effet, l’auteur s’attache d’abord à présenter le cadre chronologique (Première partie, « Évolution »), avant de présenter les mutations structurelles (Deuxième partie, « Les résultats »), où il donne volontiers la priorité à l’« infrastructure » (l’économique et le social) plutôt qu’à la « superstructure » (le politique, le culturel). Néanmoins, ce biais méthodologique ne doit pas masquer la force profonde de l’ouvrage, qui réside dans sa capacité à fournir une histoire totale de la période, appuyée sur une rare érudition (redevable en outre du polyglottisme de l’auteur). De même, on ne saurait trop insister sur le caractère novateur d’une telle démarche pour les historiens et les étudiants des années 1960, qui ne connaissaient jusque-là, bien souvent, qu’une « histoire-bataille » centrée uniquement sur les hauts faits des « grands hommes ».
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