book.notAvailable
book.availableIn
L’histoire de l’humanité fit très tôt l’objet d’un récit, mais ce dernier fut longtemps arrimé à la chronologie biblique et privilégia le plus souvent personnages célèbres et hauts faits. Dès la Renaissance, l’élargissement du monde connu, l’essor des sciences et l’émancipation de l’esprit critique commencèrent à le libérer de cette influence. L’histoire se dota de méthodes rationnelles et diversifia son objet. L’individu et les sociétés, analysés dans leur contexte, recélaient désormais en eux-mêmes leur propre intelligibilité. Cela constitue un fait de civilisation majeur et nécessite, en soi, d’en retracer l’émergence.
book.readingBy
Pierre Boucaud
En 1943, par la bulle Divino afflante Spiritu, le pape Pie XII admettait qu’il était légitime d’appliquer au texte biblique la théorie des genres littéraires, qui consistait à lire la Bible en tenant compte des styles variés de ses auteurs et du contexte de rédaction. Le cadre chronologique proposé par le livre sacré, que l’historien pouvait dès lors examiner librement, ne fournissait plus les repères a priori incontestables de l’histoire humaine, même si la Bible restait Parole de Dieu aux yeux du croyant. Mais pour que l’Église catholique acceptât officiellement de soumettre l’Écriture sainte à la critique scientifique, il avait d’abord fallu que l’histoire gagnât son autonomie en définissant sa nature, sa matière et ses méthodes, ce que, dès la Renaissance, l’essor de la raison lui avait permis de faire peu à peu. Cette conquête résulta d’une lente émancipation, en premier lieu à l’égard de la théologie, puis de la philosophie. Parallèlement, l’objet de l’histoire, longtemps cantonné aux puissants et à leurs exploits, s’étendit à l’humanité, idéalement appréhendée sans préjugés et dans les limites imposées par la documentation. L’historien dut donc renoncer aux mythes, jusque-là très sollicités, et s’en tenir aux éléments vérifiables. Ces conditions, principalement, permirent à l’histoire d’accéder au statut de science humaine à part entière. Toutefois, cet acquis tardif ne doit pas faire oublier que l’on attendit encore longtemps de la plume de l’historien, dont la discipline fut enseignée en France à partir du début du XIXe siècle, qu’elle servît le roman national ou européen, l’histoire demeurant perméable à l’idéologie. Incontestablement, l’histoire a une histoire, dont Didier Le Fur analyse les étapes dans cet ouvrage.
book.moreChapters