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L’esprit critique est-il la principale contribution des Lumières à l’essor des sociétés modernes ? Ne faut-il pas insister également sur le rôle de la médiatisation ? Les Lumières sont en tout cas un mouvement pluriel, comme en témoignent les positions des penseurs du XVIIIe siècle. Elles n’offrent pas de réponse homogène aux préjugés, se heurtent même à des contradictions internes et sont parfois accusées de complicité avec l’impérialisme européen. Elles sont à coup sûr un moment marquant et fructueux de l’histoire intellectuelle, une attitude plutôt qu’une doctrine.
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Pierre Boucaud
« Enfin libre ! » C’est le titre d’un livre de la journaliste Anne-Isabelle Tollet, soutien d’Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème en 2010 dans son pays, le Pakistan, par des musulmans. Il aura fallu neuf ans pour que des pressions internationales parviennent à faire innocenter cette victime de l’intolérance religieuse et à obtenir son exil au Canada, comme le raconte l’auteur de l’ouvrage, qui dénonce par ailleurs les assauts de l’obscurantisme dans le monde actuel. Dans la France de 1766, mais en contexte chrétien, le chevalier François-Jean Lefebvre de la Barre, accusé de sacrilège, n’eut pas la chance d’Asia Bibi. La défense du philosophe Voltaire (1694-1778), dont il bénéficia, ne lui permit pas d’éviter la condamnation à mort et l’exécution. Prendre le risque de mourir afin de pouvoir croire ou d’affirmer son scepticisme, voire son athéisme : cette problématique, parmi d’autres, traduit les enjeux du rapport complexe qu’entretiennent la foi et la raison, la société et l’individu, et que les philosophes placent au cœur de leur réflexion. Le courant des Lumières, au XVIIIe siècle, a largement alimenté ce débat. Des penseurs convaincus par la dignité éminente de la raison développent et diffusent alors la conviction que l’homme peut s’émanciper de l’arbitraire en dépassant les préjugés et en cultivant la tolérance. Souvent présenté, aujourd’hui, comme l’un des principaux facteurs de la modernité, ce mouvement ne fait pourtant pas l’unanimité. Le philosophe Bertrand Vergely lui reproche ainsi d’avoir incité l’homme à se replier sur lui-même et d’avoir favorisé une forme de violence qui aurait eu comme lointaine conséquence les totalitarismes du XXe siècle. La relation intime entre Lumières et modernité, actuellement invoquée face au retour en force du fait religieux dans les sociétés contemporaines, méritait donc d’être explicitée. Antoine Lilti s’y emploie en appréhendant ce courant de pensée dans son contexte historique, afin d’en déterminer la nature et l’intérêt. Son analyse permet de mieux définir les Lumières, de mesurer l’efficacité de leur ambition émancipatrice, de souligner leur ambivalence et d’évaluer la dette du temps présent à leur égard.
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